mercoledì 16 luglio 2014

CINEMA E FINANZA. THE WOLF OF WALL STREET. M. IACUB, Un Robin des bois pervers, LIBERATION, 17 gennaio 2014

Montrer du doigt l’immoralité des traders est devenu si à la mode qu’il est presque impossible de faire la moindre réflexion originale à ce propos. C’est pourquoile Loup de Wall Street étonne. Certes, il n’y est pas question de dénonciation mais de confession, celle de Jordan Belfort supercourtier repenti des années 90 auquel Leonardo DiCaprio prête son corps.

La grande spécialité de Jordan Belfort est de savoir faire naître des désirs chez ses clients milliardaires. Non pas des désirs de marchandises, ni d’argent sonnant et trébuchant. Ce que ce personnage fait désirer, ce sont des choses beaucoup plus abstraites dont la seule fonction est d’être cumulée. Plus ces choses sont désincarnées et fantasmatiques, plus elles sont puissantes. Sans compter la jouissance que provoque, chez cette minorité de superprivilégiés, le risque de les perdre ou d’en gagner encore plus. Martin Scorsese nous montre ainsi que les riches escroqués par des traders sont victimes de leurs propres désirs immoraux et dégénérés. Or, la confession de Jordan Belfort dévoile un autre aspect de cette critique chic des traders. Le fait de gagner tant d’argent si facilement suscite chez ce jeune homme un malaise qui se transforme aussitôt en une volonté d’autodestruction. L’alcool, les drogues, les fêtes insensées lui permettent de tenir le coup certes mais aussi de se punir par le fait de ne pas s’être enrichi en travaillant, en faisant des efforts. D’être devenu un voleur de riches non pas pour les pauvres mais pour lui-même, tel un Robin des bois pervers. Et l’argent gagné de cette façon, il lui faut le détruire en même temps qu’il se détruit lui-même. Comme si le capitalisme avait une espèce de justice immanente - outre sa justice concrète qui l’envoya vingt-deux mois en prison - qui finit par faire payer chèrement les aventuriers du style de Jordan Belfort.
 
Pourtant, toutes ces punitions subies par les riches et par les traders n’améliorent pas d’un iota le sort de milliards de personnes qui continuent de souffrir des conséquences néfastes du capitalisme. Et même si le but du film de Scorsese n’est pas d’apporter des solutions à cette puissante injustice, il le fait à son insu, rendant le geste plus beau encore. En effet, puisque les riches se montrent si peu généreux avec les pauvres, puisque les inégalités ne font que s’accroître de la manière la plus irrationnelle qui soit, pourquoi des militants de gauche n’utiliseraient-ils pas les techniques de Jordan Belfort pour s’emparer d’une partie de l’argent des riches ?
Ces milliards obtenus grâce à ces astuces boursières pourraient être employés non pas pour enrichir des personnes comme Belfort mais pour permettre de vivre ou de mieux vivre à ceux et celles qui en ont besoin, le tout dans la plus époustouflante des félicités publiques. Les riches perdraient de l’argent pour assouvir leurs désirs d’accumulation fantasmatique et les pauvres auraient de quoi satisfaire leurs besoins les plus concrets. Les uns donneraient leur argent aux traders gauchistes afin de jouir du vertige provoqué par le risque de le perdre tandis que les autres en bénéficieraient.
Au lieu de protéger les gens qui investissent en Bourse, nous devrions, au contraire, les laisser jouer à leurs risques et périls, voire les pousser et les féliciter de faire preuve de tant de désirs dégénérés. Ces nouvelles associations de traders gauchistes feraient naître des sociétés plus égalitaires et plus rationnelles non pas en forçant les riches par des lois ou en faisant appel à leur charité mais en s’appuyant sur leurs désirs et leurs fantasmes les plus débridés.
Voilà une belle manière de marier les libéraux - en utilisant leurs méthodes - et les étatistes - en souscrivant aux résultats qu’ils escomptent - dans un élan fraternel. A moins qu’ils ne croient, comme le Loup de Wall Street, que le capitalisme n’est pas seulement un système économique mais qu’il est aussi et avant tout l’accomplissement d’un désir de Dieu.

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